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"Prenez le temps de revoir votre façon de travailler". - Entretien avec Olivier Eyenga

Par Le 19 juillet 202310 août 2023Toutes les histoires
Olivier Eyenga anime un atelier et aide des collègues à revoir leur façon de travailler.

Olivier Eyenga, enseignant de formation, a une riche expérience humanitaire. Il travaille pour le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Niamey, au Niger. Il est chef de l'unité de coordination civilo-militaire. Auparavant, il a travaillé en République démocratique du Congo (RDC), au Tchad, au Niger et en Haïti, où il était présent quelques heures après le tremblement de terre. Olivier a l'habitude d'être envoyé sur le terrain dès qu'une crise survient.

Il a commencé sa carrière humanitaire dans son pays d'origine, la RDC, en tant que chargé d'affaires humanitaires en 2000. Dès le début de sa carrière, Olivier a souhaité rendre l'aide humanitaire accessible dans les zones décentralisées en ouvrant des antennes humanitaires. Plus de 20 ans plus tard, il poursuit cette mission en proposant des ateliers de négociation basés sur la CCHN méthodologie dans des endroits difficiles d'accès.

Il a rejoint la communauté du CCHN en 2021 après avoir suivi un atelier sur la négociation humanitaire, qui se focussait sur les régions du Mali, Niger et Burkina Faso. Depuis, il est aussi devenu facilitateur et a permis à de nombreux et nombreuses humanitaires de suivre des ateliers de négociation humanitaire.

Olivier aime enseigner, partager ses connaissances et aider les autres à revoir leur façon de travailler. Pour lui, il est important de s'arrêter et de prendre le temps de réfléchir à la manière dont nous faisons les choses. Il nous explique pourquoi dans cet entretien.

Bonjour et bienvenu Olivier ! Dis-nous comment tu es devenu humanitaire.

Quand j’ai commencé à ouvrir des antennes humanitaires ou des unités de coordination de proximité dans des endroits reculés de RDC, j’ai dû travailler avec des responsables militaires et des groupes armés non étatiques, ce qui m’a ouvert au monde de la négociation humanitaire. C’était surtout du cas par cas et je n’avais pas d’outils de négociation ni utilisais-je de méthodologie pour structurer ces négociations.

J’ai été réaffecté à Niamey en 2020 où les opérations humanitaires sont conduites dans des zones où il y a aussi des opérations militaires. Il est donc important de pouvoir dialoguer et interagir avec les militaires et les autorités nationales pour avoir accès aux populations dans le besoin. Aujourd’hui, je continue de négocier, mais je sais m’y préparer et structurer mes négociations. C'est pourquoi c'est important de revoir la façon dont on travaille.

Les participants à un projet communautaire atelier sur la négociation humanitaire d'Olivier Eyenga à Kalemie, en RDC, apprennent à structurer un site négociation humanitaire.

Pourquoi était-il important pour toi de t’outiller pour les négociations ?

C'était important pour moi car je voulais aller au-delà du simple contact avec les autorités, les acteurs non étatiques et les autres parties prenantes. C'est là que j'ai découvert le Centre de compétence pour la négociation humanitaire.

Quand tu reçois un nouvel ordre de mission, parfois tu ne vois même pas ton ou ta chef·fe d’unité et tu dois prendre l’avion le lendemain pour aller sur le terrain pour la mission. Tu t’y rends, mais tu n’as pas forcément le carnet d’adresse pour ce qui t’attends. Tu veux accomplir ton ordre de mission, mais tu arrives dans un endroit où il y a déjà des lignes rouges à ne pas franchir, par exemple, qui peut être côtoyé ou pas, qui est sous embargo.

Je me retrouvais avec un dilemme entre mes obligations humanitaires où je devais accéder à une zone et ma sécurité. Je me référais donc à ma hiérarchie, mais elle me demandait des résultats sans me dire comment les atteindre.

Une fois, je devais influencer un gouverneur d’une région pour réussir ma mission humanitaire. Il a fallu que je comprenne qui sont toutes les personnes qui gravitaient autour de lui pour pouvoir lui parler. Si j’avais suivi la formation du CCHN plus tôt, j’aurais su qu’il faut absolument identifier quelle est la bonne cible qui peut faire la différence dans les résultats de ma mission. L’analyse de contexte est primordiale. C’est important de faire ta cartographie, de comprendre à quel niveau de négociation je me situe et les différentes attitudes que je peux avoir avec mes différentes contreparties.

S’outiller pour les négociations permet de les structurer et de mieux comprendre dans quel environnement on nous a parachuté sans informations et où on nous demande des résultats.

Qu'est-ce qui t'a motivé à faciliter des ateliers sur la négociation humanitaire?

C’est de partager mon expérience avec les autres. J'ai eu la chance de faire l'atelier sur la négociation humanitaire puis la formation des facilitateurs et des facilitatrices juste après. La présentation des outils m'a vraiment ouvert les yeux.

J'ai eu à gérer des crises en RDC, en Haïti et au Tchad. Avec le recul, je sais qu'il vaut mieux anticiper. Plus nous aurons une masse critique de personnes qui connaissent les CCHN outilsplus les choses se passeront bien sur le terrain. C'est pourquoi j'ai moi-même animé plusieurs ateliers.

Après avoir fait les formations, j’étais très intéressé à pouvoir partager cette connaissance avec la communauté humanitaire plus jeune autour de moi. Il y a beaucoup d’humanitaires qui sont déployé·e·s dans des situations d’urgence, mais qui n’ont pas de formations de base.

Avec le soutien du site CCHN, j'ai pu partager les outils avec d'autres collègues qui souhaitaient également être formés à négociation humanitaire. J'ai utilisé les études de cas du CCHN manuelJ'ai utilisé les études de cas dans le manuel, en les contextualisant. J'ai eu tout le loisir de m'inspirer de mes propres expériences.

Les collègues ont donné un retour positif et j'ai continué à proposer des ateliers pour soutenir la communauté humanitaire. À un moment donné, j'ai organisé des ateliers dans quatre sites différents avec des déplacements difficiles, le tout en trois semaines, avec l'aide d'autres collègues de facilitateur ou facilitatrice .

J'en ai fait en RDC, à Bukavu, Kalemie, Goma et Bunia. J'en ai également fait au Niger, à Tillabéri, Lam et Tahoua.

À mon bureau, je suis le CCHN maison, c’est ainsi qu’on m’appelle ici.

En résumé, plus on rend les outils de négociation accessible au public pour qu'il puisse revisiter la façon dont il travaille, plus on les contextualise, plus de gens les utilisent, mieux ça aide le monde humanitaire.

Simulation de négociation lors d'un projet communautaire atelier sur la négociation humanitaire par Olivier Eyenga à Ouallam, au Niger.

Que dirais-tu aux personnes qui disent qu'elles n'ont pas le temps de suivre un atelier sur la négociation humanitaire?

Je leur dirais que c’est une grosse erreur. Le développement personnel, le renforcement des capacités, ce sont des éléments qu'il faudra intégrer dans tout ce qui a trait aux performances des équipes. Même si on vit urgence après urgence au travail, il faut pouvoir s’arrêter et se demander si la manière dont on traite ces urgences est efficace. C’est important de s’arrêter.

Le monde du travail se transforme avec les nouvelles technologies notamment. Il évolue avec les innovations, les recherches, les études… C’est une erreur de ne pas revisiter notre façon de travailler. 

Si les gens ne prennent pas le temps d'apprendre à intégrer ces outils, d'intégrer ces méthodologies, ils devront tôt ou tard le faire à leurs frais, de manière réactive, mais peut-être sous une autre forme.

Lorsqu’on est en face d’une contrepartie, nous croyons souvent que la contrepartie ne se prépare pas. Mais c’est faux. Elle se prépare. Elle se demande pourquoi telle personne veut la rencontrer, de quoi veut-elle parler, etc. Les équipes doivent donc aussi se préparer.

Aujourd'hui, parler avec le ou la mauvais·e interlocuteur·rice peut faire en sorte que votre propre programme en prenne un coup. On est dans un environnement où un acteur peut poser un acte qui peut saper le travail de plusieurs années des autres acteurs.

Vaut mieux « perdre ce temps » pour suivre un atelier que de continuer à travailler normalement avec des gens qui pourraient compromettre les programmes avec leurs actions.

S’il y a un message à faire passer, c’est celui-là : on doit profiter de l’expérience des autres et rappeler que ces outils sont destinés à la communauté humanitaire afin d'améliorer sa façon de travailler.

Participants à Tahoua, au Niger, après avoir appris à utiliser des outils de négociation pour revoir leur façon de travailler dans le cadre d'une initiative communautaire atelier sur la négociation humanitaire par Olivier Eyenga.

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