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Comment gérer les (fausses) informations dans les opérations humanitaires ?

Par 24 février 202321 septembre 2023Toutes les histoires

Peu importe où les gens vivent aujourd'hui, ils sont connectés. Les informations voyagent et les réseaux sociaux ont permis à un nombre croissant de personnes d'échanger et de diffuser des nouvelles en ligne, qu'elles soient vraies ou fausses.

Les fausses informations sont dangereuses. Une rumeur sans fondement peut nuire aux opérations humanitaires en empêchant les praticien·nes de l'humanitaire de fournir des soins ou des ressources vitales aux personnes ayant des besoins humanitaires. Elle peut même menacer la sécurité des bénéficiaires de l'aide ainsi que celle du personnel humanitaire. Elle peut faire – ou défaire – les efforts des humanitaires dans une situation de crise.

Comment peux-tu, en tant que professionnel·le de l'humanitaire, faire face à ce défi croissant ? Comment renégocier la confiance avec les communautés après qu'elle ait été perdue ?

Le CCHN a demandé à des professionnel·les de l'humanitaire ayant une expérience dans ce domaine de nous parler de leurs défis et comment y faire face. Lis ce qu'ils ont partagé avec nous ci-dessous.

"Même dans les zones les plus reculées, les gens ont accès à internet. Ils ne sont pas dans un désert d'information."
- Sandrine Tiller, coordinatrice de l'équipe Accès humanitaire et réseautage à Médecins Sans Frontières

Fausses informations : qu'est-ce que c'est et comment se propagent-elles ?

Les informations fausses ou falsifiées se présentent sous diverses formes ; les comprendre est essentiel pour concevoir une stratégie de réponse efficace. Voici l'une des façons de les catégoriser :

  • Information fausse : l'information partagée est trompeuse, mais la source qui la diffuse n'a pas l'intention de nuire.
  • Désinformation : l'information partagée est fausse et la source tente délibérément de manipuler les faits.
  • Mal-information : l'information partagée est partiellement vraie ; l'intention est de nuire à une personne ou à une organisation en révélant des informations privées.

Plus que jamais, les gens ont besoin d'information en situation de crise : ils veulent savoir ce qui se passe, si eux-mêmes et leur famille seront en sécurité, ce qu'ils doivent faire et où aller.

Ce besoin est souvent satisfait par les réseaux sociaux, où les informations sont partagées et re-partagées sans nécessairement mentionner leur source. Conséquemment, de grandes quantités d'informations, vraies ou fausses, circulent rapidement dans les communautés.

Les fausses informations se propagent toutefois beaucoup plus rapidement en ligne, ce qui crée des récits erronés et érode la confiance dans les sources légitimes telles que les médias de qualité, les autorités publiques et les organisations humanitaires.

Premièrement, il faut prévenir et atténuer l'impact de fausses informations.

En tant qu'humanitaire, tu peux prendre des mesures pour limiter les risques liés à la diffusion de fausses informations et de désinformation avant qu'elles ne se produisent. Être proactif est une stratégie bien plus efficace que de réagir à une crise de l'information.

1. Évalue le paysage informationnel.

L'information voyage différemment selon le contexte opérationnel.

Comprendre et comment les communautés obtiennent leurs informations t'aidera à identifier à qui elles font confiance et les principaux canaux qu'elles utilisent pour communiquer. Pose-toi la question :

  • Comment l'information circule-t-elle dans ce contexte ?
  • Combien de sources d'information y a-t-il ?
  • Dans quelle mesure ces sources sont-elles coordonnées ? Fournissent-elles les mêmes informations ?

Cela te permettra de mieux comprendre les récits qui sont créés et diffusés dans les communautés et ceux qui sont les plus répandus. Cela peut t'aider à cibler les récits trompeurs avant même qu'ils ne se répandent.

Outils pour évaluer le paysage informationnel

  • Les outils du CCHN tels que la zone d'accord te permettent de classer les informations et les normes de la communauté.
  • Une autre stratégie utile consiste à cartographier la communauté: dessine les relations entre les acteur·rices de la communauté et leur influence sur le paysage informationnel.
  • L'évaluation de l'écosystème de l'information d'Internews (en anglais) fournit une méthodologie utile pour évaluer ton propre paysage informationnel.
  • Le tracker des perceptions communautaires d'Oxfam (en anglais) peut t'aider à recueillir et à analyser systématiquement les perceptions de la communauté qui affectent tes opérations.
  • La plateforme numérique de Médecins Sans Frontières "MSF Listen" (outil interne disponible pour le personnel de MSF). Le code de cette plateforme est en source ouverte sur GitHub et tu peux le trouver ici.

2. Fournis des informations claires et transparentes de manière proactive (également appelé "pré-bunking").

Une fois que tu as fait le point sur la façon dont l'information circule et sur les récits les plus répandus, tu dois être proactif·ve dans ta propre stratégie de communication.

  • Explique que fait ton organisation et comment tu opères de la manière la plus transparente possible.
  • Réponds aux questions et aux préoccupations des gens.
  • Écoute les commentaires que tu reçois de la communauté.

Les informations peuvent provenir simultanément de diverses sources : de la communauté, des chef·fes traditionnel·les, des médias locaux et nationaux, ou même de ceux qui ont émigré hors du pays. Ces sources peuvent se contredire, laissant les gens dans la confusion et érodant la confiance dans ton organisation.

Une communication proactive te permet d'anticiper les mauvaises interprétations potentielles de tes activités et de clarifier les objectifs de tes opérations.

3. Prépare ton équipe à une éventuelle crise de l'information.

Disposer d'un plan de réponse aux crises solide permettra à ton équipe de savoir comment réagir rapidement et efficacement.

  • Crée une équipe de surveillance des réseaux sociaux au sein de ton organisation.
  • Crée un scénario de crise potentielle de l'information et effectue des simulations de réponse.
  • Rassemble des contacts dans les grandes entreprises technologiques à qui tu peux transmettre des preuves en cas de menaces numériques graves.

Malheureusement, quel que soit ton degré de préparation, une crise de l'information peut survenir. Lorsqu'elle se produit, comment peux-tu atténuer ses impacts ?

Écoute Sandrine Tiller de MSF expliquer les stratégies qu'elle et son équipe ont mises en place pour contrer la désinformation lors de crises humanitaires.

En cas de crise de l'information, suis ces étapes.

Lorsqu'une crise de l'information survient, ton organisation peut soudainement attirer beaucoup plus d'attention et être scrutée dans ses moindres faits et gestes. Dans ce contexte, il est vital de mettre en place des stratégies pour comprendre et limiter les risques de diffusion de fausses informations.

1. N'attends pas la fin de la crise pour agir.

Attaque-toi immédiatement aux fausses informations. Il est dangereux de laisser une campagne de désinformation se développer en espérant qu'elle disparaîtra et l'absence d'alternative peut renforcer la croyance en des informations fausses et non vérifiées. Ne rien dire permet aux autres de parler à ta place et démystifier les fausses affirmations est beaucoup plus difficile si tu attends plus longtemps.

2. Renforce ta surveillance des réseaux sociaux et ta stratégie de réponse aux crises numériques.

Découvre ce qui est dit et par qui. Même si la surveillance des réseaux sociaux doit faire partie de toute stratégie de prévention, il est essentiel de la renforcer en disposant d'un plan de gestion du risque numérique, notamment des menaces pesant sur les travailleur·euses humanitaires. Une crise de l'information n'est pas seulement un problème de communication : elle touche toutes les équipes, et notamment celles qui travaillent sur le terrain, qui peuvent être confrontées à ses conséquences dans leurs opérations.

3. Sois transparent.

Tu as un mandat et des limites. Tu ne peux pas tout faire, même si les gens s'attendent à ce que tu le fasses. Sois ouvert aux questions et aux critiques, afin de pouvoir expliquer ce que tu fais, surtout si c'est perçu comme controversé, démystifie rapidement les rumeurs et limite l'impact sur la sécurité de ton personnel et de tes opérations.

Regardez Anastasiya Marchuk du CICR présenter comment elle et son équipe ont fait face à la crise de l'information qui touche les organisations humanitaires en Ukraine.

Si tout le reste échoue, concentre-toi sur le rétablissement de la confiance après une campagne de fausses informations.

"La première victime de la fausse information et de la désinformation est la vérité, la seconde est la confiance."
- Anastasiya Marchuk, cheffe de la sous-délégation du Comité international de la Croix-Rouge à Odesa, Ukraine.

Une fois la confiance perdue avec la communauté que tu soutiens, la regagner est une tâche monumentale. Il est impossible de l'entreprendre seul·e : la désinformation ne vise pas seulement une seule organisation, mais l'ensemble du paysage informationnel. Dans une situation de crise urgente, il se peut que tu disposes de peu de temps pour déterminer la meilleure façon de fournir une aide optimale. Que dois-tu faire ?

1. Cherche à comprendre qui n'est pas digne de confiance et pourquoi.

Les gens peuvent ne pas faire confiance à ton organisation, mais ils peuvent aussi ne pas faire confiance au gouvernement, aux autorités locales et aux médias.

2. Ne surcharge pas l'écosystème d'information.

Inonder les gens de grandes quantités d'informations sur l'excellence de votre organisation ne rétablira pas nécessairement une perception positive du public. Il faut plutôt s'attacher à modifier la structure du paysage informationnel pour faire en sorte que la bonne information atteigne le bon public, même si elle ne vient pas de ton organisation.

3. Travaille avec les acteur·rices qui ont déjà la confiance de la communauté.

Construis des réseaux d'information autour d'acteur·rices ayant la confiance de la communauté afin qu'ils fournissent des informations cohérentes et coordonnées. Les gens n'ont pas nécessairement besoin de faire confiance à ton organisation ; ils doivent faire confiance à des sources fiables.

Comment cela fonctionne-t-il dans la pratique ? Écoute Anahí Ayala Iacucci du HCR expliquer comment elle a rétabli la confiance après la crise d'Ebola au Liberia.

La gestion d'une crise de l'information peut être délicate. La diffusion de fausses informations et de désinformation peut avoir des conséquences considérables sur la communauté dans laquelle tu travailles, sur ton contexte opérationnel et même sur la sécurité de ton organisation.

Une chose est sûre : tu dois te préparer et mettre en place des stratégies pour y faire face.

Regardez la vidéo complète webinaire et découvrez comment Sandrine Tiller (MSF), Anahí Ayala Iacucci (HCR) et Anastasiya Marchuk (CICR) ont travaillé pour prévenir, atténuer et faire face à la fausse et à la désinformation dans les opérations humanitaires.

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